Tout d’abord il n’y a aucun label ou norme qui régulent la notion de “Blés anciens”, c’est pourquoi il me semble nécessaire de vous expliquer la démarche ainsi que ce que nous entendons par là.
L’évolution des semences
Dans l’agriculture aujourd’hui, les semences, leurs variétés sont inscrites dans un catalogue qui liste toutes les semences autorisées à être commercialisées. Ce catalogue a été crée au cours du 20ème siècle. Lors d’une inscription au catalogue, le déposant est reconnu comme “l’auteur”, c’est à dire qu’il possède la propriété intellectuelle de la semence. Bien sûr lors du dépôt, il y a des exigences pour faire reconnaître une nouvelle variété. La première étant que la variété n’existe pas déjà. De fait, toutes les variétés qui existaient avant la création de ce catalogue sont maintenant dans le domaine public, personne ne peut revendiquer leur propriété intellectuelle. Ce sont ces variétés que nous appelons “Variétés anciennes”. Malheureusement, ces variétés ne font pas partie du catalogue. Elle ne sont donc pas commercialisable comme semence.
Les effets de la course à la propriété intellectuelle
Puisque seules les variétés inscrites à ce catalogue sont autorisées à la vente, les semenciers ont du rivaliser de créativité pour créer de nouvelles variétés, et les “améliorer” en même temps que leurs concurrents. La concurrence au service du client. Ce dernier a pu gagner en rendement, avec des blés plus résistant aux parasites, herbicides,…etc Cette course a eu pour conséquence que nous avons très rapidement hybridé, re-hybridé les variétés les plus performantes. Donc une très forte accélération des sélections.
50 ans de recherche au service de la performance
Nous avons donc optimisé nos semences pour quelles soient le plus adaptées :
– à la mécanisation de l’agriculture (rendement, travail de la moissonneuse,…)
– à l’industrialisation de la boulangerie
Quelles conséquences ?
Ces progrès ont permis à toutes les filières pain de s’industrialiser. En effet, après l’agriculture, c’est les boulangers qui ont dû devenir plus productif. Pour cela, les minotiers leur ont proposé des farines toujours plus facile à panifier. D’abord en travaillant avec les agriculteurs et les semenciers pour aller vers des blés toujours plus adaptés à la panification. On a donc sélectionné petit à petit des variétés de blés qui permettaient à la pâte à pain d’être plus élastique, qu’elle se déchire moins. Le blé contient des protéines qui une fois mélangées à l’eau se combinent pour former le réseau glutineux. Pour mesurer cela, un indicateur est utilisé : la force boulangère de la farine. En quelques décennies, la force boulangère des farines est passée de 80 à 250.
Pourquoi remettre en question ces “progrès” ?
De nombreuses personnes déclarent aujourd’hui ne plus supporter le gluten sans pour autant être cœliaque. La digestibilité de ces glutens modernes, plus résistant, en serait-elle la cause ?
De plus, la dépendance de nos agriculteurs, paysans, à de grands semenciers pour renouveler chaque année leur culture, ne devrait elle pas nous interroger ?
Et finalement, ces choix et hybridations ont grandement appauvri la diversité génétique des blés que nous cultivons. Ces super-variétés seront-elles toujours aussi adaptées ?
L’idée derrière l’utilisation des variétés anciennes
En vous proposant des variétés anciennes, je répond d’abord à une demande, de plusieurs boulangers et amateurs de pain qui veulent continuer à manger du pain malgré leur sensibilité au gluten.
Dans ma démarche, j’espère aussi convaincre les amateurs de bon pain, boulangers et agriculteurs que nous avons tout intérêt à nous réapproprier notre pain.
Pour cela, la maîtrise par le paysan de ses semences, de la diversité dans ses champs diminuerait les risques liés à des méthodes et variétés uniformisées. A l’heure du changement climatique, de ces phénomènes météorologiques exceptionnels et de l’inconnu qu’est l’avenir, diversifions-nous.
Les 12 travaux…
Pour un agriculteur, utiliser ces semences est encore un défi. Bien qu’elles permettent des rendements similaires aux rendements de l’agriculture biologique, elles demandent un investissement important en amont de la mise en culture. En effet, les courageux qui ces dernières années travaillent avec ces variétés, ont dû partir d’une poignée de grains pour chaque variété qu’ils ont souhaité essayer. Il est important de choisir les mélanges de variétés avec lesquelles travailler en fonction de son terrain et de ses contraintes. Tout en faisant ces expérimentations, il faut multiplier la semences : partir de quelques mètres carrés pour finalement pouvoir semer sur plusieurs hectares.
Ils sont heureusement quelques uns à travers la France à jouer les éclaireurs pour aider ceux qui voudraient s’y mettre.
Des associations d’agriculteurs, de paysans boulangers, de consom’acteurs se créent pour travailler sur ces questions, et pour mutualiser les efforts.
Quel rôle pour Lo Molièr et le Moulin du Fau ?
Nous souhaitons en proposant des farines de blés anciens, permettre aux agriculteurs qui se sont engagés dans cette démarche, de vendre leur production. Ainsi reconnaître l’importance de leur travail et les encourager.
Et également, motiver d’autres à faire de même !